k-libre - article

Malgré les moqueries de ses camarades, qui rêvaient de carrières de médecin, d'avocat, de professeur et même de comptable, le conseiller d'orientation ne fut pas surpris quand William lui annonça qu'il voulait devenir enquêteur. Après tout, les autres garçons l'avaient surnommé Sherlock Holmes avant même la fin du premier semestre.
Jeffrey Archer - Qui ne tente rien
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 18 avril

Contenu

Brocanteries (I)

MAJ jeudi 18 avril

Brocanteries (I)
© D. R.

19 décembre 2009 - J'avais été gagnée voici quelques années, au contact d'un ami proche qui était un lecteur boulimique et avait une prédilection marquée pour les livres d'occasion, par le goût de la farfouille au gré des brocantes et vide-greniers dont nous guettions les dates avec soin.
Ce plaisir-là appartient désormais au passé - quoiqu'il m'arrive parfois, aujourd'hui encore, de me plonger avec délectation dans un vieux carton rempli de livres fatigués - mais il me reste de ces années-brocante une vaste réserve de livres non lus dans laquelle je pioche de temps à autre. Je viens tout juste d'achever l'un deux, qui m'a paru mériter d'être l'objet d'un article...

La Brigade des Maléfices*... J’ai dû l’acheter voici dix ans, moins peut-être je ne sais plus très bien… je me rappelle en tout cas m’être attardée à le feuilleter après avoir lu la quatrième. Ferrée, je l’avais examiné de près puis, satisfaite de son état, je l’avais emporté… puis laissé dormir, sans doute parce qu’en commençant la lecture, quelque chose m’avait gênée – un je-ne-sais-quoi de fantaisiste qui allait à l’encontre de avec la noirceur sérieuse à laquelle je m’attendais. Pourtant, à ne lire que cette phrase – "[…] Sherlock Holmes de la féerie, Maigret de la sorcellerie moderne, expert en sciences occultes, familier de l’invisible, l’inspecteur Paumier ne refuse aucune des voies ouvertes sur l’Inconnu […]" – il y a tout de même matière à se douter que l’on n’est pas tout à fait sur le point de franchir le seuil de la Maison Usher… Mais je n’avais pas alors l’esprit très ouvert sur les décalages trop subtils, et ce petit malentendu me vaut d’aborder aujourd’hui ce recueil de six histoires courtes avec une sensibilité plus aiguisée. Ce sont de petits bijoux d’humour et de fantaisie, riches de références et de mises en abîme qui fonctionnent tout en finesse…

M’étant livrée à quelques investigations avant d'entamer ma lecture – car l’ouvrage, outre les textes et une brève introduction indiquant que les récits sont tirés des archives de l’inspecteur Paumier, policier marginal dont le bureau a été relégué dans les combles du 36 quai des Orfèvres, ne contient aucune autre indication, par exemple concernant les auteurs – j’ai découvert que La Brigade des Maléfices est une série télévisée** qui a été diffusée la première fois en 1971, le lundi à 20 h 30, sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Elle se compose de six épisodes d’une durée allant de 53 min à 1 h 10, et à chaque épisode correspond un récit éponyme du livre. Tous les épisodes de la série sont vendus sur le site de l'Ina, au prix de 6 € l’unité – à télécharger ou bien à faire graver sur DVD. Je ne me suis pas encore décidée à me procurer la série mais, pour avoir visionné les extraits proposés gratuitement – générique et premières séquences – je pense que téléfilms et nouvelles méritent les uns et les autres d’être appréciés pour eux-mêmes, avec leurs spécificités, sans qu’il soit pertinent d’analyser les écarts qui les séparent. À ce jour, malgré mes recherches – succinctes je dois l’avouer – une question demeure entière pour moi : le livre est-il la novellisation des scénarios originels, ou bien la série a-t-elle été scénarisée d’après le livre ?

Quoi qu'il en soit, les récits réunis dans le livre sont, par leur construction, leur ton et leur style, de vraies réussites littéraires. Écrits au présent, ils immergent d'emblée le lecteur dans le vif de l'événement puis l'entraînent si bien dans la dynamique des faits qui se succèdent, avec la juste part d'ellipses qui participent du suspense, que l'on n'a pas la moindre envie de quitter l'affaire avant qu'elle soit résolue. Si les nouvelles sont découpées en courts chapitres à la chute soignée, les intrigues elles-mêmes semblent plutôt s'achever en fondu enchaîné - elles ont une "vraie fin" mais écrite de telle manière qu'elle laisse se profiler au-delà du terme une continuation de l'histoire.

Qu'est-ce donc que cette Brigade des Maléfices ? Un service spécial de la police nationale que l'on cache comme une chose dont on a honte, non pas dans les sous-sols tel un "bureau des affaires non classées" mais au grenier, dans les combles de l'immeuble de la Préfecture de police. L'inspecteur Paumier est là chez lui, avec ses ouvrages de référence en matière d'occultisme. Pour l'assister, Albert, un second dévoué, et Golo, un perroquet au vocabulaire peu étendu, mais dont les cris signalent toujours l'entrée en action de la Brigade...
Les affaires auxquelles ils sont confrontés sont toutes d'une étrangeté plaisamment fantaisiste, prêtant à sourire plus qu'à rire, et non dénuées de quelque tendresse douce amère - "Les dents d'Alexis" raconte les affres d'un vieux vampire attendant impatiemment que finisse sa malédiction qui tombe amoureux d'une jolie dentiste, "Les Disparus de Rambouillet" sont de pauvres mortels succombant aux charmes de fées facétieuses... oui, de l'étrange, du fantastique, mais rien de réellement horrifique.

Les rapports entre les personnages d'enquêteurs sont eux aussi d'une nature singulière. Certes reposant sur la sempiternelle opposition entre sceptiques et sensibles au surnaturel, en même temps que sur celle, non moins habituelle, qui sépare le flic obtus du policier intuitif - on a d'un côté Paumier et Albert, de l'autre le commissaire principal et le commissaire Muselier - ils n'en sont pas moins cordiaux, voire amicaux, le commissaire principal n'hésitant pas longtemps à s'en remettre à Paumier quand les méthodes ordinaires échouent, et Muselier n'étant jamais trop rétif à reconnaître les mérites de son collègue.

On est pris par le suspense, on s'amuse et on s'attendrit - le mélange est harmonieux et fonctionne à merveille. Et pour que le plaisir soit complet, on découvre, çà et là, de brèves références à certain univers fictionnel - par exemple cette jeune femme modèle et maîtresse d'un photographe nommée Musidora - ou encore quelques perfides mises en abîme - avoir pou thème "la télé qui tue" ("La Septième chaîne"), n'est-ce pas un comble pour... un téléfilm ?

* La Brigade des Maléfices, Claude Guillemot et Claude-Jean Philippe, Hachette collection "Écran", 1971, 256 p. Prix d’origine : 14 FF. Disponible d’occasion à partir de 19 €.
Le livre contient : "Les Disparus de Rambouillet", "La Septième Chaîne", "Voir Vénus et mourir", "La Créature", "Les Dents d’Alexis", "Le Fantôme du HLM".

** Fiche technique de la série télévisée :
Créée par Claude Guillemot et Claude-Jean Philippe. Compte une saison de six épisodes d'environ une heure chacun. Les rôles des personnages récurrents sont tenus par Léo Campion (inspecteur Guillaume-Martin Paumier), Marc Lamole (Albert), Jacques François (le commissaire principal), Jean-Claude Balard (le commissaire Muselier) et Pierre Brasseur (Diablegris).
Par Isabelle Roche

publicité

Pied de page