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jeudi 28 mars

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Série Anatomie : Sherlock & Elementary

MAJ jeudi 28 mars

Série Anatomie : <em>Sherlock</em> & <em>Elementary</em>
© Philippe Routier / k-libre

27 août 2013 - En 1990, entre la vénérable Abbey National Building Society (qui avait, dès 1932, installé son siège à la célèbre adresse du 221B Baker Street), et le respectable Holmes Museum, (situé en réalité au numéro 239), éclata une violente dispute afin de déterminer qui avait moralement et légalement le droit de répondre au courrier adressé par des milliers de fans du monde entier à Sherlock Holmes en personne. Elle ne prit fin qu'en 2005 quand la société qui employait à plein temps un secrétaire uniquement pour répondre à ces lettres, déménagea de l'adresse historique. C'est dire si le personnage de fiction créé par Sir Arthur Conan Doyle dans Une Étude en rouge paru en 1887, occupe une place à part dans notre imaginaire collectif.
La télévision et le cinéma ne s'y sont pas trompés puisque le détective au deerstalker cap a connu à ce jour pas moins de soixante-dix incarnations ! En 2009, le réalisateur Guy Ritchie, qui trouvait que la dimension d'hommes d'action de Holmes (pratiquant du baritsu, un art martial fictionnel), et Watson (ancien soldat), très présente dans les romans, avait été négligée, a donné un sérieux coup de jeune aux personnages avec le casting audacieux de Robert Downey Jr. et Jude Law (surnommé "Hotson" par les fans) dans les rôles titres. Le film, alternant répliques de comédie et scènes d'action impeccablement chorégraphiées a été un succès au box office, appelant une inévitable suite et ce qui promet d'être une franchise très rentable. Surfant sur le succès de ces films, non pas une mais deux séries ont vu le jour depuis, qui situent toutes deux les aventures de Holmes et Watson au XXIe siècle, dans un univers résolument contemporain.

Elementary : à consommer sans compagnon de sobriété
Elementary, série américaine diffusée dès le 27 septembre 2012 sur le réseau CBS, nous présente un Sherlock trentenaire, très contemporain et sortant d'une sévère cure de désintoxication. Non content de l'exiler à New York, et de le cloîtrer dans un bel immeuble brownstone de Manhattan, son père richissime (avec lequel il est naturellement en conflit), lui impose un colocataire, qui a quitté la chirurgie pour devenir "compagnon de sobriété" professionnel, le Docteur Joan Watson. Oui, vous avez bien lu: dans cette série, Watson est une femme ! L'interaction entre cette Watson féminine incarnée par Lucy Liu et ce Holmes moderne interprété par Jonny Lee Miller est l'une des deux principales originalités d'Elementary : l'alchimie fonctionne parfaitement entre les comédiens, et cela profite aux personnages. L'autre élément original concerne les identités respectives de Moriarty et Irene Adler, deux figures emblématiques de l'univers holmésien s'il en est. Sans faire de "spoiler" disons simplement que cet aspect-là est une vraie réussite. Le fait que l'action se passe à New York, et qui constitue également une originalité dans la saison 1, pourrait être remis en cause dans la deuxième saison dont le premier épisode se passe à Londres. En tout cas, avec son traitement original du canon holmésien, son savant dosage d'action et de réflexion, ses enquêtes prenantes, et son intéressante évolution des rapports entre les deux héros sur vingt-quatre épisodes, Elementary est une excellente série qui se bonifie avec le temps.

Sherlock, série du siècle
Maintenant, il y a excellente série et GRANDE série, et c'est cette dernière dénomination qui convient à l'autre série holmésienne du moment : le brillant Sherlock de la BBC. On peut ici parler de révolution télévisuelle comme l'ont été en leur temps Le Prisonnier, La Quatrième Dimension ou plus récemment (et même si la fin n'était clairement pas digne de l'ambition affichée) Lost. D'abord il y a les interprètes. Quasiment inconnus avant le bouche à oreille qui a propulsé Sherlock sur le devant de la scène, on se les arrache désormais : Benedict Cumberbatch (Holmes) vient d'incarner le nouveau Khan dans le Star Trek Into Darkness de J.J. Abrams, et Martin Freeman (Watson) triomphe dans le rôle de Bilbo le Hobbit dans la nouvelle trilogie éponyme de Peter Jackson, face au dragon Smaug, dont la voix n'est autre que celle de... Benedict Cumberbatch. Ils sont absolument parfaits, s'accordent à merveille et à eux seuls suffisent à rendre la série jubilatoire. Face au Holmes tout en démesure, brillance et ironie mordante que Cumberbatch habite, Freeman campe un Watson intelligent, réservé et dangereux, ancien soldat d'élite qui a lui aussi ses démons, notamment sa conscience du fait paradoxal mais indéniable que la guerre... lui manque ! Les seconds rôles sont tout aussi soignés, qu'il s'agisse de Mycroft Holmes (interprété par Mark Gatliss, l'un des deux show runners de la série et acteur de grand talent), Lestrade (Rupert Graves, très convaincant en honnête policier ami de Holmes), et les figures de proue que sont un Moriarty sexy (Andrew Scott) et une divine Irene Adler (Lara Pulver).

Malédiction modeste
Ensuite, il y a l'écriture, d'une qualité vraiment exceptionnelle, qu'il s'agisse de l'adaptation des intrigues classiques (avec souvent un coupable différent de celui du livre d'origine), du commentaire social sous-jacent ou des dialogues. Il faut dire que Stephen Moffat et Mark Gatliss qui la dirigent ont tous deux fourbi leurs plumes sur la série culte Doctor Who. Unique faiblesse de Sherlock, toutefois : la malédiction qui semble peser sur la série, qui fait que les seconds épisodes de chaque saison de 3 x 90 minutes, sont toujours plus faibles que les épisodes 1 et 3. Cela a été le cas pour les deux saisons que compte actuellement la série. La troisième saison en pré-production confirmera ou non cette tendance. Malgré tout, les épisodes en question restent d'un bon niveau et soutiennent la comparaison avec la majorité des épisodes de toutes les séries existantes. C'est juste que les épisodes les encadrant sont tellement parfaits qu'on le remarque.

Sherlock, triomphe du transmédia
Sherlock est enfin la première série véritablement transmedia de la télévision : l'utilisation subtile du texto pour exprimer les pensées du héros, (comme dans le jeu vidéo Heavy Rain), et l'emploi ultra graphique et symbolique du GPS pour montrer comment Holmes visualise une course-poursuite dans Londres, sont des trouvailles géniales de la série qui s'intègrent parfaitement à la narration. S'y ajoute la manière brillante dont est tenu le blog très populaire de Watson qui dame invariablement le pion (en nombre de clics) au site trop technique et donc quasi confidentiel de Holmes. Les héros continuent ainsi leur interaction sur le Web, Watson postant des indices pour permettre à ses lecteurs de résoudre les énigmes posées par Holmes, et les billets de Holmes traduisent son agacement croissant face au succès Web de Watson. Sherlock est une série à voir d'urgence, à ne manquer sous aucun prétexte, et il y a fort à parier que vous allez bientôt rejoindre les hordes de fans en manque attendant le moindre signe de la diffusion de la saison 3 dont Stephen Moffat a annoncé le contenu comme toujours par trois mots indices liés à l'aventure adaptée : "rat, wedding, bow" ("rat, mariage, salut"). Les spéculations vont d'ailleurs bon train concernant le dernier mot pouvant faire référence au "Dernier Salut" considéré comme la toute dernière aventure de Sherlock Holmes, ce qui indiquerait peut-être que les acteurs et showrunners de plus en plus demandés signeraient-là leur toute dernière saison. Si cela devait hélas être le cas, gageons qu'ils sauront finir en beauté !

Holmes & Holmes vs. Frankenstein
Pour les geeks avides de gossip, une info hype : Benedict Cumberbatch, le Holmes de Sherlock et Jonny Lee Miller, celui d'Elementary, ont partagé en 2011 la scène du National Theater de Londres dans une adaptation par Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionaire) du roman de Mary Shelley, Frankenstein, avec les acteurs alternant à chaque nouvelle représentation les rôles du savant fou et de sa créature. Immense succès critique, la pièce qui s'est jouée à guichets fermés a été projetée à Paris dans certains cinémas.

C'est maintenant à vous de suspendre vos activités normales et votre incrédulité naturelle, de vous munir de votre coffret DVD de saison ou de vos épisodes légalement téléchargés, d'allumer votre téléviseur, ordinateur, tablette ou baladeur, de vous caler dans votre fauteuil favori, et que vous soyez Bento, bière ou Ben & Jerry's, d'appuyer sur le bouton sacré et soumettre à votre jugement de spectateur averti l'épisode 1 de la série que nous vous conseillons. Si ce n'est pas Sherlock ou Elementary, pas d'inquiétude, continuez à lire k-libre. Tôt ou tard, c'est dans notre chronique que vous trouverez votre série fétiche, celle qui vous murmurera dans la voix de Meridith Grey s'adressant au Docteur Mamour : "Pick me, choose me, love me".
Enjoy !

P.-S. : Le Holmésien est une créature aux gouts éminemment éclectiques, qui tend à collectionner absolument tout ce qui se rapporte à l'univers du résident du héros imaginé par Sir Arthur Conan Doyle et à son créateur lui-même. Parmi les hommages les plus intéressants rendus par des auteurs de polar à l'univers de Conan Doyle, je ne saurais trop recommander l'excellent Le Dernier défi de Sherlock Holmes par Michael Dibdin (le père d'Aurelio Zen), le très étonnant La Vendetta de Sherlock Holmes par Ugo Pandolfi, et, last but not least, le très beau Nevermore de William Hjortsberg (auteur du Sabbat de Central Park dont Alan Parker a tiré le superbe Angel Heart) dans lequel Conan Doyle mène une enquête teintée de surnaturel aux côtés de Houdini.
Liens : Arthur Conan Doyle | Michael Dibdin | Ugo Pandolfi | Sherlock | Elementary Par Miceal O'Griafa

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