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Ma vie des autres (67)
Courts récits de 1000 signes (67). Il ne se fout plus de moi maintenant, ce connard de la Fnac. Il se blottit dans le rayon des compilations à prix vert. Je frappe les présentoirs devant moi avec une planche. Je ne touche pas à la bidoche, je ne lui ferai pas de mal. Mon frère et mes cousins démolissent comme moi tout ce qu'ils peuvent. Nous ne sommes pas venus pour piquer. Il faut se grouiller avant que les gros bras de la sécurité rappliquent. Comme dans toutes les grosses enseignes, ils engagent des bœufs qui se traînent le dimanche sur les terrains de rugby. Je réduis les opéras en bouillie. Les coffrets craquent comme des œufs qui ne demandent qu'à faire des omelettes. Le petit rouquin prétentieux ne se doutait pas que je reviendrais accompagné pour me venger. Il s'est moqué de moi devant d'autres clients branchés musique classique quand je lui ai demandé le disque de Carmen au Bureau A. J'avais bien aimé en l'écoutant dans une émission télé avant que quelqu'un ne donne le titre. Il a ri, ce péteux de vendeur, et les autres ont ri avec. Il m'a dit que je mélangeais peut-être Carmen de Bizet et Carmina Burina. Il m'a ridiculisé. J'ai senti son mépris, alors je me suis taillé, le temps d'aller chercher du renfort. Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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