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Ma vie des autres (53)
Courts récits de 1000 signes (53). D'après l'avertissement placardé sur la paroi, un réparateur de chez Otis doit intervenir dans la demi-heure en cas de panne d'ascenseur si quelqu'un est à l'intérieur, et dans les soixante-douze heures s'il est vide. Le cas n'a pas été prévu pour les fantômes et autres invisibles. Je dois dire que c'est agaçant quand on est comme moi, coincé dans cette cabine oppressante et que personne ne pense à vous venir en aide. On vit une époque où l'on a plus de commisération pour un chaton bloqué sur une branche d'arbre que pour l'esprit volatile d'un moribond. Car oui, je suis l'âme du vieux locataire du quinzième qui ne s'est pas réveillé de son sommeil depuis deux jours. Au moins, je n'ai pas souffert. Je sais, j'ai fait la bêtise de quitter le corps et donc l'appartement autrement que par la fenêtre. J'aurais dû gagner l'espace immédiatement, mais je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Un réflexe pavlovien m'a conduit directement à l'ascenseur. Inconsciemment, je devais descendre, je voulais toucher la terre une dernière fois. Manque de chance, il a fallu que la panne tombe sur moi qui n'existe plus. Les fantômes n'ont pas de portable.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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