Les Grandes affaires criminelles

Le nom du meurtrier apparait au premier paragraphe, et un sentiment morbide de déjà-vu me ramène à toutes ces années ; vers une époque dont j'avais espéré qu'elle demeurerait ensevelie, des jours et des nuits de folie et de cauchemars, quand j'étais à peine un adolescent fomentant un meurtre de sang-froid...
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Beau livre - Policier

Les Grandes affaires criminelles

Assassinat MAJ vendredi 25 février 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Public connaisseur

Prix: 29,9 €

Renaud Thomazo
Paris : Larousse, novembre 2010
128 p. ; illustrations en couleur ; 29 x 23 cm
ISBN 978-2-03-585479-7
Coll. "Les Documents de l'histoire"

Dans les petits papiers des "Grandes affaires criminelles"

Larousse a sorti un beau livre dans sa collection "Les Documents de l'Histoire". C'est un livre mi-dossier, mi-objet avec un rabat aimanté mettant en avant "50 reproductions de documents d'époque" concernant Les Grandes affaires criminelles (essentiellement françaises). Devant ces grands livres, dits de table, qui font la part belle à l'illustration et au fac-similé grâce aux moyens techniques de plus en plus performants, l'amateur pourrait penser qu'on est plutôt dans un processus de magazine. Mais Larousse a un grand professionnalisme et le résultat est passionnant.
De Gilles de Rais qui aimait trop les petits garçons (exécuté le 26 octobre 1440) à Jacques Mesrine, l'ennemi public n°1, (tué le 2 novembre 1978) ce sont plus de cinq cents ans d'histoire criminelle vus à travers vingt-cinq affaires et quatre dossiers (histoire de la police, la Cour des Miracles à Belleville, la police scientifique, la peine de mort) qui sont racontés. Bien sûr, nous retrouvons les habituels Landru, Petiot, Vacher, Bonnot, Papin, Nozière, Dominici, Seznec, Besnard et les vieilles affaires classiques du Courrier de Lyon, Fualdès, de l'Auberge Rouge, de la malle à Gouffé et de l'impasse Ronsin mais aussi d'autres grandes têtes d'affiche comme Lacenaire, Soleilland, Jeanne Weber, Troppman, Weidmann, Pierrot le Fou ou Christian Ranucci.
Les pages, occupées en grande partie par les documents (photos de scènes de crime, de tribunal, de cadavres, de journaux, schémas etc.) sont serties d'un fac-similé glissé dans une pochette en papier cristal mobile. Outre les Unes de journaux (dont le fascinant reportage photographique de "L'Excelsior" sur la ruée des curieux devant la maison de Landru) et les traditionnelles chansons et complaintes (même en 1934 avec Violette Nozière !) on trouvera aussi le télégramme du Havre qui innocentait Seznec, la publicité du cabinet du Docteur Petiot, des lettres de Vacher, Dominici, Ranucci, Mesrine, six fiches anthropométriques de la Bande à Bonnot et bien d'autres trouvailles dont la plus impressionnante est sans doute le rapport médico-légal du Docteur Chartier qui examina Mme et Melle Lancelin, massacrées par les sœurs Papin en 1933. Le format, l'en-tête, l'encre de la machine à écrire, les traits au crayon, les reprises de fautes de frappe, tout y est ! Du coup, la photocopie de photocopie de la lettre de menace de Mesrine à son éditeur Lattès fait un peu pauvre.
Après ce travail incomparable d'iconographie, il convient de saluer celui de l'auteur des textes : Renaud Thomazo, qui ne s'est pas contenté d'aligner des généralités comme on pourrait être tenté de le faire dans ce genre d'ouvrage où le vu est plus important que le lu. Thomazo est un historien qui travaille pour Larousse et dont le nom est lié à des publications de vulgarisation comme Les Grands personnages de l'histoire, Les Hauts lieux de l'Histoire, les falsifications, les citations, les grandes dates de l'Histoire etc. Il a aussi publié des titres plus spécialisés comme L'Opus Dei, Les Cathares ou Mort aux bourgeois, sur les traces de la Bande à Bonnot.
Rien de tel que l'affaire de "L'Auberge Rouge" pour faire un test de documentation. Après une longue procession en charrette d'est en ouest à travers le département et au milieu d'une foule déchaînée de près de trente mille personnes, le 2 octobre 1833, l'aubergiste Pierre Martin, sa femme et son domestique sont guillotinés sur les lieux mêmes de leurs crimes, devant leur auberge de Peyrebielhe. Cette affaire va engendrer un véritable conte sanglant exploité en gravures, dessins, cartes postales, pièces de théâtre, films et romans. Le tragique destin de ces clients perdus dans la nuit et le froid et trouvant refuge dans cet antre de l'enfer, a rencontré le fantasme du Petit Poucet et de ses frères arrivant dans la maison de l'Ogre, pour générer une "légende rurale". L'auberge deviendra un parcours touristique obligé dans les Cévennes avec visite des lieux et arrêt frissonnant devant "le recoin où se cachait le domestique Rochette pour assommer ses victimes". Il y aurait eu cinquante victimes, égorgées, brûlées, découpées ! Nathalie Chevalier a publié L'Affaire de l'Auberge Rouge aux éditions De Vecchi en 2001. Si la lecture en est un peu ardue, c'est parce que règne la plus grande confusion entre la rumeur et les faits. Il n'y a qu'un mort avéré et le corps a été retrouvé bien loin de l'auberge. Les témoignages sont très douteux et la rancœur et la jalousie de la population locale prouvées. On a tout lieu de penser que c'est une erreur judiciaire. Ainsi, l'auteur du texte pour Les Grandes affaires criminelles aurait pu se contenter de la version célèbre. Mais Renaud Thomazo ne tombe pas dans le piège de la facilité et, en un texte précis et concis, rend compte de toutes ces données judiciaires que développe Nathalie Chevalier, ce qui est un tour de force en si peu de lignes.
Il en sera de même pour tous les articles de Thomazo qui se retrouvent souvent enrichis par des mini-livres passionnants comme le supplice de Ravaillac ou les notes et observations médico-légales sur Jeanne Weber, la tueuse d'enfants, qui échappa deux fois à la justice grâce à l'incompétence d'un grand professeur.
Seul regret, les vignettes importantes en taille représentant les adaptations cinématographiques. La photo du film, le titre, les noms des réalisateurs et des acteurs ainsi que l'icône de la bobine de film font tache dans l'ensemble de chaque dossier. C'est quand même dommage, dans un ouvrage historique, d'associer pour l'éternité, Jean Gabin à Dominici, Alice Sapritch à Marie Besnard, Sylvie Testud à Christine Papin, Michel Serrault au Docteur Petiot ou Fernandel à l'Auberge rouge ! Il aurait mieux valu regrouper toutes ces données à la fin de l'ouvrage et, par la même occasion dresser une rapide bibliographie des livres consacrés aux affaires.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Les Grandes affaires criminelles constituent une vraie réussite et certainement un excellent déclencheur pour en savoir plus. Ce livre-dossier peut prendre place au sein des meilleures bibliothèques de criminologie.


On en parle : Alibi n°2

Citation

Si dix de ces femmes auraient été victimes de ce Barbe Bleue des temps modernes, c'est peu au regard de ce que révèlent les cahiers de Landru qui serait entré en relation avec... 283 femmes !

Rédacteur: Michel Amelin mercredi 23 février 2011
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