Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
536 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-07-280417-5
Coll. "Série noire"
Le marxisme comme stupéfiant, l'inhumanité comme moteur
Régulièrement, la Colombie revient sur le devant de l'actualité et c'est rarement pour faire remonter des aspects positifs. Paz, le roman de Caryl Férey, se situe au moment où la plupart des groupes marxistes se sont rendus ou ont déposé les armes et que les Colombiens vont attaquer une nouvelle campagne d'élections présidentielles. Le candidat du parti au pouvoir a comme éminence grise, Saul Bagader, qui est un homme de l'ombre proche des milieux conservateurs et riches qui tiennent la Colombie en coupe réglée. Lautaro, l'un de ses fils, est chef d'une police criminelle qui ne s'encombre pas de subtilités mais obtient des résultats. Il couche avec des femmes d'une nuit, mais la dernière se trouve être une journaliste d'investigations, Diana, qui va s'intéresser à lui et aux zones d'ombre qui entourent sa famille. Et puis il y a Angel, un deuxième fils qui, lui, s'est engagé dans les armées révolutionnaires et a été arrêté. Sa famille a réussi, après de semaines de torture, à l'extraire d'un camp pour lui offrir une porte de sortie à condition qu'il reste dans l'anonymat. C'est alors que des morceaux de cadavres commencent à arriver dans différentes villes du pays et que des membres d'ONG sont assassinés. Laurato pense que l'on revient à la Violenca, c'est-à-dire lorsque les groupes divers et armés (les marxistes, les partis d'extrême-droite, les forces armées, la police, les mercenaires des grands patrons, les narco-trafiquants, tous ces groupes pouvant s'interpénétrer) qui composent le pays multiplient les cadavres pour faire pression et assurer leurs positions. Pour démêler la situation, Lautaro mène une enquête, des pistes que suit également Diana, et pour s'assurer de la réussite, va chercher son frère à qui il confie une mission annexe, qui av peut-être l'aider.
Voici le point de départ du nouveau roman saisissant de Caryl Férey. Les personnages centraux sont décrits dans leur complexité, leurs doutes et leurs violences, avec en filigrane des enjeux psychologiques et familiaux importants et bien menés. Autour, la situation de la Colombie est décrite avec soin et elle nous montre un enchevêtrement d'horreurs qui dépasse l'imagination et l'entendement. Surtout les pages les plus délirantes offrent des tueurs en série avec zones de non-droit, quartiers où des drogués découpent à la tronçonneuse des gens quasiment au hasard, viols en série comme mode de fonctionnement "normal". Rien n'est cependant gratuit dans l'écriture de Caryl Férey qui décrit avec soin les situations, non pour horrifier ou créer un plaisir malsain, mais juste pour raconter la "vérité", pour dépeindre une situation de manière documentée (et l'auteur s'est souvent expliqué sur sa manière d'écrire en s'informant), ce qui rend encore plus terrifiant la situation. Du coup, son roman est un petit bijou de force stylistique, tant pour le dessin de ses personnages que pour la construction d'une intrigue forte et prenante qui confirme que Caryl Férey est bien l'un des auteurs majeurs de notre roman noir français contemporain.
Citation
Ces terres maudites bâtissaient les fortunes, généraient des pourcentages sur les profits des centaines de mines illégales présentes dans les zones de conflit. En récupérant les terres abandonnées par les groupes armés, le gouvernement volait leur poule aux œufs d'or.